Madame la ministre de la Santé,
Les histoires d’horreur rapportées au cours des derniers mois dans les médias concernant la qualité des soins dans les CHSLD et résidences privées pour aînés ne nous ont pas surpris. En fait, on s’étonne presque qu’elles ne soient pas plus nombreuses.
Ces tragédies humaines prennent essentiellement leur source dans ce qu’on appelle au syndicat des Teamsters « la maltraitance systémique » que subissent les aînés. Cette maltraitance prend mille formes et n’a rien à voir, ni de près ni de loin, avec le dévouement de nos travailleurs et travailleuses, mais plutôt avec un système qui nous apparaît inhumain.
Saviez-vous que le personnel de ces établissements a rarement le temps de nettoyer les prothèses dentaires des résidents? Que les repas sont souvent servis au lit? Que la toilette partielle est monnaie courante? Que des employés d’agence remplacent jusqu’à 50 % d’absents sur les équipes de travail et que ces remplaçants créent de l’insécurité chez les personnes âgées parce qu’elles ne les connaissent pas?
Saviez-vous que les travailleurs (qui sont débordés) doivent jouer aux gardiens de sécurité avec des patients souffrant de pertes cognitives? Que des gens lourdement handicapés ont besoin de temps, d’attention et de soins, mais que le trop grand nombre de cas lourds empêchent nos membres de s’en occuper adéquatement? Que les besoins des aînés sont souvent sous-évalués avant leur admission dans les établissements?
Saviez-vous que le temps supplémentaire obligatoire est devenu la norme plutôt que l’exception? Qu’une proportion alarmante de salariés-ées quittent l’industrie ou prennent des congés d’invalidité? Qu’il y a de plus en plus d’absents dans les équipes de travail et que par conséquent, ceux qui sont au travail doivent accomplir leurs tâches encore plus vite?
C’est le contexte avec lequel nos membres – ainsi que l’ensemble des travailleurs et travailleuses dans les établissements privés au Québec – doivent composer. Et cette énumération n’est qu’un aperçu de ce que ces travailleurs vivent quotidiennement. À cela, s’ajoutent des conditions de travail exécrables.
Prenons l’exemple typique d’un préposé aux bénéficiaires. Dans le privé, il n’est pas rare que celui-ci gagne autour de 14 $/h. Dans le public, il pourra gagner jusqu’à 8 $/h de plus.
Je répète : 8 $/h de plus pour exactement le même travail!
Ces importantes disparités salariales, l’incapacité de pouvoir passer plus de temps avec les résidents et la fatigue due à la surcharge de travail ont des conséquences sur le taux de rétention et sur la capacité d’attirer de nouveaux travailleurs dans ce secteur d’activités.
Vous vous en doutez, ces enjeux ont aussi des impacts immédiats et mesurables sur la qualité de vie des aînés.
Nous avons rencontré votre collègue Marguerite Blais et des représentants du ministère du Travail au cours des derniers mois. Notre message a été clair, net et précis : le gouvernement doit décréter les conditions de tous les travailleurs-euses du privé pour qu’elles soient équivalentes à celles de leurs confrères et consoeurs au public. Ainsi, on pourra espérer faire échec au manque de main-d’oeuvre et, par conséquent, donner de meilleurs services aux personnes âgées.
Nous attendons encore une réponse de leur part.
Deux options se présentent à vous, madame la ministre : traiter les travailleurs-euses du privé décemment ou laisser la situation empirer. Ce faisant, on tolère un système à deux vitesses où les moins nantis iront passer les derniers jours de leur vie dans des établissements privés où les services seront limités et où les plus riches pourront se payer les meilleurs soins.
À vous de décider madame la ministre. Est-ce le genre de société dans laquelle vous désirez vivre?