par François Laporte, président de Teamsters Canada

En cette fête du Travail, j’aimerais rappeler à l’ordre celles et ceux qui croient à tort que les syndicats, leurs membres et l’ensemble des travailleurs et travailleuses contribuent à l’inflation. Cette croyance est fondée sur un schème d’analyse qui est figé dans les années ’70 et qui omet de prendre en considération plusieurs autres facteurs qui expliquent la hausse actuelle des prix des denrées, des marchandises et du carburant.

L’idée est que les syndicats font pression pour obtenir des salaires plus élevés et que lorsque les salaires augmentent, les prix augmentent automatiquement, ce qui entraîne une nouvelle augmentation des salaires, et ainsi de suite. C’est une vision du monde extrêmement simpliste et complètement déconnectée de ce qui se passe dans la réalité.

Le premier constat qui me vient spontanément en tête pour déboulonner cette légende urbaine est que les taux horaires au pays ont augmenté en moyenne de 4 % alors que l’inflation s’établissait en juillet à 7,6 %. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont ici des données qui proviennent de Statistique Canada et de la Banque du Canada. Clairement, nous sommes loin d’une spirale inflationniste.

Également, une simple analyse du portrait économique actuel nous amène à conclure au contraire que les travailleurs et les travailleuses ne font qu’essayer de rattraper des hausses qu’on observe depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Par exemple, Statistique Canada observait récemment que le prix de l’essence s’est accru de 6,9 % d’un mois à l’autre et a subi une hausse de 32,3 % comparativement à février 2021.

Autres exemples éloquents : par rapport à avril 2021, le coût des fruits frais a augmenté de 10,0 %, celui des légumes frais de 8,2 % et celui de la viande de 10,1 %.

Selon le Regroupement des comités logement et des associations de locataires du Québec (RCLALQ), les logements à louer sont en moyenne 9% plus chers en 2022 qu’en 2021. Il s’agit ici d’une analyse sérieuse fondée sur l’étude de plus de 51 000 annonces de logements à louer sur Kijiji.

Il est tout à fait ridicule de croire que les syndicats sont derrière quelconques de ces tendances. 

Puisque le syndicat des Teamsters représente les intérêts de dizaines de milliers de membres dans la chaîne d’approvisionnement, nous avons été aux premières loges pour observer les enjeux qui en minent son fonctionnement d’un bout à l’autre de la planète.

La guerre en Ukraine a également eu un impact sur les prix, provoquant une hausse importante du coût de l’énergie.

Je m’en voudrais d’oublier de vous parler de la marge de profits que les entreprises choisissent de s’accorder. Selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), les profits des entreprises canadiennes ont augmenté de plus de 10 % au cours des quatre derniers trimestres, c’est-à-dire plus du double de la moyenne des augmentations salariales pour la même période.

On peut donc avancer ici sans risquer de se tromper que l’avarice du patronat, la guerre, une chaîne d’approvisionnement fragilisée, voire dysfonctionnelle pendant un certain temps, l’explosion des coûts de l’énergie et des denrées contribue bien plus à l’inflation que les demandes des travailleurs et des travailleuses.

Il faut donc comparer les pommes avec les pommes. Certaines personnes semblent vouloir blâmer les travailleurs et les travailleuses qui améliorent raisonnablement leurs conditions de travail, alors que les patrons de plusieurs entreprises gagnent jusqu’à 200, voire 300 fois le salaire annuel de leurs employés tout en augmentant leurs profits de manière importante.

Je veux bien croire qu’une entreprise doit faire de l’argent pour fonctionner et qu’on n’attire pas leurs dirigeants avec du vinaigre, mais cessons de casser du sucre sur le dos des hommes et des femmes qui travaillent forts pour faire tourner l’économie tout en essayant d’améliorer minimalement leur sort.