Ils sont parmi les personnes les plus travaillantes sur le marché, au service d’une des entreprises les plus exigeantes au monde. Ils sacrifient une grande partie de leur temps, de leur santé et de leur bien-être pour que leur employeur réalise des profits.

Ce sont des héros du commerce électronique, responsables de remplir des millions de commandes en ligne au Canada, mais aussi certains des travailleurs les plus sous-payés et les plus surchargés.

Je parle, bien sûr, des travailleurs d’Amazon.

En juin, au 30e Congrès international des Teamsters, les délégués ont voté en faveur d’une grande campagne de recrutement pour syndiquer les travailleurs d’Amazon. La résolution réclamait qu’on donne à ces travailleurs le pouvoir de se faire entendre et qu’on les aide à conclure une convention collective négociée par le syndicat. Elle réclamait aussi la création d’une division spéciale Amazon qui superviserait la démarche.

Le syndicat des Teamsters exerce ses activités au Canada depuis plus de 100 ans, et les secteurs de l’entreposage et de la livraison ont été au cœur de ses préoccupations dès le départ. Le syndicat a la ferme intention d’être là pour tous les travailleurs canadiens d’Amazon qui sentent, comme nous, qu’ils méritent mieux.

Nous ne mettons pas sur pied une campagne contre Amazon, mais bien une campagne pour les travailleurs d’Amazon. Ce qui nous dérange, ce n’est pas le fait qu’Amazon soit une entreprise prospère… c’est que des travailleurs n’obtiennent pas leur juste part ou ne soient pas traités avec le respect et la dignité qu’ils méritent.

Nous savons que les personnes qui travaillent dans les entrepôts d’Amazon sont soumises à des exigences énormes. Elles doivent ramasser un article toutes les neuf à douze secondes, et celles qui n’y arrivent pas sont soumises à des mesures disciplinaires. Une telle situation a d’ailleurs fait grimper le taux de blessures dans les installations de l’entreprise. Certains travailleurs d’Amazon nous ont aussi raconté que les douleurs lombaires et aux genoux étaient fréquentes, même parmi de jeunes employés en bonne forme physique.

Deux problèmes se posent ici : un, le manque de sécurité d’emploi résultant de l’incapacité à remplir des exigences déraisonnables; deux, les problèmes de santé et de sécurité découlant de telles demandes.

En matière de sécurité d’emploi, toutes les conventions collectives négociées par les Teamsters comportent une procédure de règlement des griefs visant à protéger des travailleurs injustement sanctionnés. En outre, dès que ses employés sont syndiqués, une entreprise ne peut plus les congédier sans motif valable. Pour congédier du personnel, Amazon devrait donc avoir des preuves d’inconduite grave comme le vol ou l’insubordination. Aucune entreprise ne devrait pouvoir se débarrasser d’employés honnêtes et travaillants qui se blessent ou ne peuvent pas satisfaire à des exigences déraisonnables.

En matière de santé et de sécurité, l’avantage d’un syndicat est aussi bien documenté. Par exemple, dans les entrepôts de Sysco, les Teamsters ont convaincu l’entreprise de donner une formation bonifiée sur les techniques de levage sécuritaires et de mettre en place d’autres mesures de contrôle afin de réduire les risques de blessure. Un ergonome embauché par le syndicat évalue régulièrement les normes de l’entreprise pour s’assurer qu’elles demeurent raisonnables. De plus, le syndicat a les moyens de s’opposer à toute modification des normes de rendement qui menacerait inutilement la santé et la sécurité des travailleurs.

Dans le même ordre d’idée, nous savons que les jours et les semaines peuvent être longs au sein d’Amazon, car de longues heures sont la règle. Ici encore, le syndicat peut apporter son aide. Des mesures de contrôle des heures supplémentaires sont inscrites dans les conventions collectives de UPS et de Purolator. D’ailleurs, selon les modalités de la nouvelle convention collective canadienne de UPS, ratifiée cette année, les employés à temps plein sont payés à tarif double s’ils travaillent au moins cinq heures la fin de semaine.

Et qu’en est-il des salaires? Les personnes qui travaillent dans les entrepôts d’Amazon au Canada gagnent au départ 16 $ ou 17 $ de l’heure environ, et leur salaire varie très peu par la suite. En revanche, les personnes qui travaillent dans des entrepôts syndiqués par les Teamsters voient leur salaire grimper jusqu’à des taux allant de 24,50 $ à 31,93 $ de l’heure, selon le secteur d’activité, habituellement en cinq ans ou moins.

Enfin, de nombreux travailleurs des secteurs de l’entreposage et de la livraison ont un droit d’ancienneté, ce qui se traduit par une longévité dans l’entreprise. Une grande partie de nos membres passent toute leur carrière dans une seule entreprise et peuvent prendre leur retraite avec une épargne-retraite décente ou une rente garantie.

Je pourrais m’étendre encore longuement sur le sujet. Sachez qu’il y a un nombre incalculable d’entreprises, grandes et petites, qui traitent leurs travailleurs mieux qu’Amazon, tout en restant concurrentielles et rentables. Cette situation risque toutefois de changer, à moins qu’Amazon soit ramenée à la raison et cesse de tirer vers le bas les salaires et les conditions de travail dans les secteurs de l’entreposage et de la livraison.

Se syndiquer demeure un excellent moyen de maintenir les normes dans un secteur, voire de les améliorer.

Travailleurs d’Amazon, vous n’êtes pas seuls!

François Laporte est le président de Teamsters Canada, un syndicat représentant 125 000 travailleurs au Canada.

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