La Commission des relations de travail de l’Alberta a étouffé une campagne de syndicalisation à une installation de transformation alimentaire où un décès est survenu.
Par Bernie Haggarty, secrétaire-trésorier de la Section locale 362 des Teamsters
Imaginez cette situation.
Vous travaillez dans une usine de transformation alimentaire. Le salaire n’augmente pas aussi vite que le coût de la vie et les conditions de travail sont moins bonnes qu’aux autres établissements. Les superviseurs ne sont pas très agréables avec le personnel et des problèmes de sécurité qui persistent au travail vous inquiètent.
Vous et vos collègues décidez qu’il est temps d’approcher un syndicat. Vous contactez votre section locale des Teamsters la plus proche, vous parlez avec les recruteurs et vous commencez à faire signer des cartes d’adhésion syndicale.
En un rien de temps, votre campagne décolle ! De plus en plus de collègues s’y joignent et, en sentant la pression, la direction commence même à faire des concessions et à donner plus de congés aux travailleuses et travailleurs.
Et puis, l’impensable se produit.
Un collègue bien apprécié est coincé dans un fumoir industriel. Quelqu’un met accidentellement la machine en marche et un être humain, votre collègue, est cuit à mort.
On pourrait penser qu’il s’agit là d’une histoire tirée d’un film, d’une autre époque ou de quelque chose qui se passe dans d’autres pays, mais malheureusement, cela s’est produit l’an passé, à Edmonton, en Alberta.
L’incident fait exploser la campagne syndicale. De plus en plus de collègues réalisent les avantages d’être syndiqués. Vous obtenez enfin suffisamment de soutien pour demander à la Commission des relations de travail de l’Alberta de tenir un vote pour la syndicalisation. Enfin, un syndicat est à votre portée !
Sauf que vous êtes en Alberta.
Entrée en scène de la Commission
L’Alberta est connue pour avoir les lois qui sont les plus hostiles du Canada face aux travailleurs et aux syndicats. C’est le pire endroit où tenter d’exercer ses droits syndicaux. Mais ce n’est pas arrivé de façon aléatoire : des années de lobbying des entreprises de la province ont déformé le système pour qu’il réponde aux besoins des patrons, et non à ceux des familles et des travailleurs.
En théorie, c’est assez simple : si 40 % des travailleurs signent une carte d’adhésion syndicale, le gouvernement organise un vote de syndicalisation. En pratique, cependant, la règlementation entraîne des retards et met des obstacles à chaque étape du processus.
Dans le cas qui nous occupe à Edmonton, la Commission des relations de travail de l’Alberta n’a pas apprécié que les Teamsters recueillent les signatures des travailleurs par voie électronique. Elle a rejeté la demande du syndicat, signée par plus de 40 % des salariés, parce que personne n’était physiquement présent pour authentifier les signatures électroniques.
Il s’agit là d’un argument absurde puisque la signature électronique est couramment utilisée dans le monde et que les gens peuvent signer des contrats en cochant une case sur un site web. La signature électronique de cartes est déjà une pratique acceptée dans tout le pays et elle avait précédemment été acceptée au moins sept fois en Alberta.
La Section locale 362 des Teamsters a immédiatement déposé une contestation judiciaire.
Dans n’importe quelle autre province, un vote aurait été ordonné, les bulletins auraient été scellés et l’appel aurait été entendu en quelques semaines. Toutefois, en Alberta, le système n’est pas favorable aux syndicats et aux travailleurs. Il a fallu des mois avant que les Teamsters puissent faire valoir leurs arguments et que les travailleurs puissent voter.
Ces mois de retard ont lentement épuisé l’élan de la campagne de syndicalisation. L’entreprise a profité de ces retards pour rencontrer les travailleurs et les faire changer d’avis. D’autres salariés ont quitté le milieu de travail pour un autre emploi. De nouvelles embauches ont eu lieu, modifiant encore la démographie du milieu du travail.
Huit mois plus tard, l’affaire a finalement été entendue et un vote a été ordonné. Mais le mal était fait. Le syndicat a perdu avec seulement 12 voix d’écart.
Les Albertains méritent mieux
Fondamentalement, les syndicats veulent aider les travailleurs à gagner de meilleurs salaires, à améliorer leurs conditions de travail, à bénéficier d’un environnement de travail plus sécuritaire et plus sain et, dans l’ensemble, à améliorer la vie au travail et dans nos communautés.
Personne ne devrait s’opposer aux syndicats, sauf peut-être les dirigeants d’entreprise qui préfèrent les profits à la sécurité. Lorsqu’ils luttent pour obtenir leur juste part, les salariés ne devraient pas avoir à se battre en plus contre une institution censée être impartiale.
En Alberta, le système est défavorable aux travailleurs puisque la Commission des relations de travail affiche un biais évident. Il est temps pour l’Alberta de réexaminer sa législation du travail et de rendre plus facile l’adhésion des travailleurs à un syndicat au lieu de la compliquer.