Dans ma précédente lettre d’opinion, j’ai identifié les enjeux qui minent le travail du personnel qui œuvre dans le réseau privé d’hébergement pour personnes âgées, c’est-à-dire les CHSLD, les résidences privées pour aînés-ées (les RPA) et les ressources intermédiaires (les RI).
J’ai également mentionné que seule une commission d’enquête en bonne et due forme pouvait faire la lumière sur les erreurs commises par les gestionnaires d’établissements, ainsi que par le gouvernement Legault et ceux qui l’ont précédé qui ont été mises en évidence pendant la pandémie.
J’écrivais aussi que la pénurie de main-d’œuvre était causée par les conditions de travail et les salaires inéquitables versés aux salariés-ées dans le privé par rapport à ceux dans le réseau public. Je parlais aussi des ratios travailleur/patients qui ne permettent pas au membre du personnel de passer le temps nécessaire auprès des personnes âgées.
Qui dit conditions exécrables dit aussi désaffection et exode des travailleurs-euses vers le public ou vers d’autres secteurs d’activité. Devant ce constat, il n’est pas surprenant que les hommes et les femmes qui souhaitent œuvrer dans les établissements privés d’hébergement pour aînés hésitent ou renoncent à y faire carrière. Quant à ceux qui s’y trouvent, les ratios travailleur/patients forcent les salariés-ées à augmenter la cadence et à tourner les coins ronds.
Au final, ces salariés-ées rentrent à la maison épuisés-ées après leur quart de travail.
Vivre dans la réalité
Le modèle d’hébergement privé pour personnes âgées qui est en place en ce moment est déconnecté de la réalité de terrain, selon ce que nous rapportent nos membres aux quatre coins du Québec.
Le niveau d’autonomie des aînés-ées qui sont admis dans les établissements privés est souvent surévalué. Ainsi, le vieillissement de la population fait en sorte qu’on accueille de plus en plus de patients-es et de résidents-es dont la perte d’autonomie varie de légère à complète.
Ces hommes et ses femmes âgés-ées se retrouvent de plus en plus nombreux en RPA ou en CHSLD, où, faute d’un ajustement des ressources, ils ajoutent à la lourdeur des tâches du personnel soignant. On comprend facilement que les soins et les services donnés aux résidents et résidentes sont, de ce fait, en érosion.
Peu importe le type d’hébergement, s’occuper correctement des cas lourds nécessite un certain nombre de travailleurs-euses. Malheureusement, les ressources disponibles sont trop souvent insuffisantes soit pour cause de maladie ou parce qu’on n’arrive pas à retenir la main-d’oeuvre et/ou à attirer de nouvelles recrues qui pourraient compenser les absences et les départs.
On fait donc appel aux agences pour pallier la pénurie de salariés-ées. Ces organisations privées offrent les services d’une main-d’oeuvre dont la rémunération dépasse souvent de beaucoup celle des travailleurs-euses d’un établissement. L’un des effets collatéraux de l’utilisation du personnel d’agence est qu’il passe d’un établissement à l’autre en fonction des besoins ponctuels, augmentant ainsi les risques de propager le virus et de provoquer des éclosions.
Les Teamsters estiment que l’existence même des agences est une abomination qui doit prendre fin.
Des solutions simples et efficaces
Pour faire face à ces enjeux salariaux et normatifs, mettre en place des ratios travailleur/patients raisonnables, et éliminer la présence du personnel d’agences, nous proposons l’adoption d’un décret et la création d’un comité paritaire.
Les décrets étendent aux employeurs et aux travailleurs-euses, syndiqués ou non, d’un secteur d’activité donné des conditions de travail qui sont négociées par les deux parties. Ce faisant, il protège les employeurs entre eux contre la concurrence déloyale.
Le comité paritaire, qui est un organisme mis en place par le gouvernement du Québec afin de faire respecter le décret, serait administré par des représentants patronaux et des travailleurs-euses, assurant ainsi que toutes les parties prenantes soient entendues. On pourrait même y ajouter des représentants des personnes âgées.
Ainsi, la disparité de près de 6 $/h entre les salaires des préposés-ées aux bénéficiaires du privé et du public (avant la « prime COVID-19 ») serait éliminée, notamment.
Au final, la pénurie de main-d’œuvre pourrait être jugulée, assurant ainsi des soins de qualité aux aînés-ées. Le gouvernement pourrait en profiter pour réviser les normes de soins, comme les ratios travailleur/patients. Ainsi, on pourrait enfin donner le temps au personnel de prendre soin des personnes âgées.
La pandémie a démontré qu’on ne peut plus justifier les graves lacunes dans la qualité des soins donnés aux personnes âgées et les conditions insuffisantes des salariés-ées. La recherche de profits d’entreprises privées spécialisées dans l’hébergement des aînés-es, qui rappelons-le sont subventionnées directement ou indirectement par nos taxes et nos impôts, nous semble malsaine, voire indécente étant donné les circonstances.
Nous devons plutôt nous assurer que nos aînés-ées soient accompagnés-ées dignement dans les dernières années de leur vie. Le temps des commissions, des analyses et des évaluations est révolu. Les problèmes sont documentés et connus. Les solutions aussi.
Quand allons-nous enfin agir dans le meilleur intérêt des aînés-ées et de celles et ceux qui en prennent soin?