par James P. Hoffa, président général de la Fraternité internationale des Teamsters et François Laporte, président de Teamsters Canada. Ce texte fut d’abord publié ici.

 
Les pourparlers sur la renégociation de l’ALENA débutent cette semaine à Washington DC et le programme est ambitieux : conclure un accord « modernisé » d’ici la fin de l’année. Le syndicat des Teamsters compte suivre ces pourparlers de très près. Nous formons le plus grand syndicat nord-américain dans l’industrie des transports et nos membres – qui travaillent sur les routes et les chemins de fer de même que dans des entrepôts et des ports d’un océan à l’autre – dépendent du commerce entre les pays pour gagner leur vie. Nos membres qui travaillent dans l’industrie laitière, dans les boulangeries et les brasseries dépendent également sur une relation commerciale stable avec les Etats-Unis. Bref, les Teamsters sont favorables au commerce à condition qu’il soit équitable.

D’abord, nous tenons à rappeler aux négociateurs des deux pays l’importance des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis. Contrairement à ce que certains pourraient croire, il n’y a pas de déséquilibre commercial significatif entre nos deux pays. Nous sommes en fait nos plus gros clients – 64% du commerce international canadien se fait avec les États-Unis, et 48 états américains ont le Canada comme un de leurs plus gros marchés d’exportation. L’année dernière, les États-Unis ont exporté plus au Canada que n’importe quel autre pays au monde. C’est pourquoi nous croyons que la renégociation de l’ALENA ne doit pas inutilement déranger notre relation commerciale – une croyance partagée par nos gouvernements et la plupart des acteurs commerciaux.

Cela étant dit, nous tenons aussi à rappeler aux négociateurs les raisons pour lesquelles les Teamsters s’étaient opposés à l’accord original il y a une génération et pour lesquelles nous nous sommes opposés à de nombreux accords bilatéraux et multilatéraux depuis – dont plus récemment le Partenariat transpacifique (PTP). En termes très simples, le modèle de l’ALENA nuit aux travailleurs. Il subordonne leurs intérêts à la course aux profits des multinationales, nuit à la croissance des salaires et conditions de travail, et contribue aux inégalités. Nous sommes donc favorables à la renégociation de l’ALENA et, au nom de nos 1,4 million de membres, nous nous engageons auprès de nos gouvernements pour améliorer ce modèle de « libre-échange » ciblé de lacunes et défaillant.

Cela commence par l’ajout d’un nouveau chapitre sur le travail pour remplacer l’accord parallèle original qui est inefficace. De nouvelles dispositions exécutoires qui protègent le droit d’association des travailleurs représentent une condition préalable à notre appui d’un accord modernisé. Les éléments d’un chapitre efficace sur le Travail sont simples :

  Des protections substantives des travailleurs qui reposent sur les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT), notamment pour interdire le travail infantile et le travail forcé et pour protéger la liberté d’association et de négociation collective;

  Des sanctions en cas de violation de ces protections substantives qui sont au moins aussi sévères que celles qui protègent les intérêts commerciaux et prévoient le refus d’avantages en vertu de l’accord;

  La mise sur pied d’un nouveau secrétariat du travail indépendant pour faire enquête sur les violations et contribuer à relever les normes du travail à l’échelle nord-américaine;

  La reconnaissance fondamentale que les salaires et les conditions de travail de tous les travailleurs exercent toujours une influence sur le commerce international de sorte à prévenir le contournement des mesures d’application et de réparation sous prétexte que certaines violations ne sont pas d’ordre commercial.

À mesure que les pourparlers sur l’ALENA progressent au cours des mois à venir, des dirigeants des Teamsters dans les États et les provinces prendront la parole sur d’autres enjeux qui sont importants pour nos membres.

Par exemple, nous nous opposerons à l’inclusion de l’accès au marché des produits laitiers dans la nouvelle version de l’ALENA, faisant valoir que cet enjeu avait été omis lors des négociations de l’accord initial. De plus, nous insisterons pour que les engagements en matière de camionnage transfrontalier ne minent pas la sécurité routière ou la protection de l’environnement transfrontalier. Et surtout, nous demandons respectueusement une nouvelle approche et une nouvelle attention aux attentes plus vastes des travailleurs nord-américains.

Enfin, une véritable réforme pour remplacer l’ALENA par un modèle favorable envers les travailleurs que nous pourrons appuyer n’est atteignable que si le processus de négociation est ouvert et inclusif. Nous incitons donc fortement nos gouvernements à partager les textes de négociation au terme de chaque ronde de pourparlers avec la Chambre des communes, le Congrès, le mouvement syndical dans les trois pays, les parties prenantes de la société civile ainsi que le grand public. Le syndicat des Teamsters est prêt à donner son appui aux équipes commerciales de l’administration Trump et du gouvernement Trudeau pour accoucher d’une nouvelle version de l’ALENA qui bénéficie aux travailleurs, mais il faut que les négociations se déroulent de façon démocratique et transparente.