« Être impliqué dans la mort de quelqu’un, avec toutes les conséquences qui viennent avec ça, c’est la dernière chose qu’on a en tête lorsqu’on s’en va travailler le matin, a confié John, un conducteur de train qui a demandé l’anonymat. Je m’en rappelle comme si c’était hier, parce que j’y pense tous les jours. »

L’année passée, il y a eu 45 décès imputables aux collisions entre les locomotives et les membres du public. Cette semaine est la Semaine de la sécurité ferroviaire, une semaine dédiée à l’éducation des Canadiennes et des Canadiens sur les dangers entourant les chemins de fer et la prévention des accidents impliquant des trains et des voitures ou piétons.

Ces conséquences ont des effets durables sur les survivants et les familles des victimes. Mais ils ont également un impact sérieux sur la santé mentale du personnel derrière les commandes du train, qui sont témoins de ces tragédies et qui sont souvent les premiers répondants.

« Le voyage était comme n’importe lequel autre jusqu’aux moments avant l’accident. On ne saura jamais s’il nous a vus venir ou s’il pensait avoir assez de temps pour traverser, a continué John. Je me rappelle du train qui s’arrête abruptement, et de la façon dont j’ai couru pour aller porter secours de n’importe quelle façon possible. Un homme est décédé dans tout le carnage, et j’étais plus la même personne. »

Regrettablement, ces incidents sont fréquents dans l’industrie ferroviaire. Au Canada, plus de 65 % des ingénieurs de locomotives et conducteurs seront impliqués dans de tels incidents tragiques, et environ 5 % d’entre eux développeront un syndrome de stress post-traumatique. Cependant, en raison de la stigmatisation de la maladie mentale, plusieurs travailleuses et travailleurs gardent le silence et ne cherchent pas l’aide dont ils ont besoin. La véritable proportion d’opérateurs de trains qui souffrent de ce syndrome est donc nettement plus élevée.

« Cela fait partie de la culture des chemins de fer, et c’est quelque chose dont nous ferons tous face à un point ou à un autre durant nos carrières. Tout le monde gère la douleur différemment, et on est tous touchés de façons différentes. »

« Il y a eu d’innombrables nuits blanches ou je n’arrivais pas à dormir parce que je ne pouvais penser à autre chose que cette scène d’horreur, ou encore des nuits où j’avais tellement hâte de voir la lumière du soleil parce que je revoyais les scènes de l’accident quand je fermais mes yeux. Et ce, même si je sais très bien que je n’aurai rien pu faire pour éviter cette tragédie, a-t-il confié. »

Pour un soutien en santé mentale

Les travailleuses et travailleurs de l’industrie ferroviaire sont loin d’être les seuls à souffrir d’un trouble psychologique relié au travail. Au Canada, trois quarts des réclamations d’invalidité de courte durée sont liés à la santé mentale.

Les statistiques nous démontrent également qu’une personne sur cinq au Canada sera atteinte d’un problème de santé mentale au cours de sa vie. Cette semaine, un demi-million de travailleuses et travailleurs s’absenteront du travail en raison de troubles reliés à la santé mentale. Et cette année, les pertes attribuables aux maladies mentales atteindront 51 milliards dollars.

Afin d’aider les centaines de milliers de personnes comme John, les jeunes de Teamsters Canada ont lancé une campagne en octobre dernier afin de rendre obligatoires l’aide et le soutien en matière de santé mentale en milieu de travail, ainsi que pour mettre fin à la stigmatisation de la maladie mentale.

Ils ont produit une série de sept vidéos montrant pourquoi la santé mentale est un enjeu tellement important. Les Canadiennes et Canadiens peuvent toujours visiter rendreobligatoire.ca pour nous aider à sensibiliser la population et les décideurs.

Pour véritablement aider des gens comme John, le gouvernement doit prendre des actions concrètes en matière de sécurité ferroviaire et de santé mentale.

« J’essaye de trouver le courage d’en parler avec mes confrères, mais j’ai peur d’être jugé. Il n’y a rien qui peut nous préparer pour le trauma ou faire en sorte que la situation soit plus facile à vivre, a-t-il dit. Je continue ma bataille avec la santé mentale, et je console en disant que je ne suis pas tout seul. »