Entrevue à l’émission de Richard Martineau :
https://www.qub.ca/radio/balado/richard-martineau?audio=1066576612

Entrevue à LCN – TVA Nouvelles :
https://www.tvanouvelles.ca/2022/02/17/les-camionneurs-nous-parlent-ecoutons-les-1

Les camionneurs et les camionneuses accomplissent un travail remarquable sur toutes les routes du continent depuis plusieurs décennies. Leur dévouement et leurs sacrifices avant et pendant la pandémie commandent le respect. Ils composent l’épine dorsale de l’économie nord-américaine. Sans eux, notre société s’écoulerait sur elle-même. Les denrées que vous retrouvez sur les tablettes des magasins ont été assurément transportées par un chauffeur ou une chauffeuse professionnelle et probablement par un membre de notre grand syndicat.

Les manifestations des camionneurs opposés au passeport vaccinal obligatoire pour franchir la frontière sont légitimes, à condition qu’elles se fassent de manière respectueuse et pacifique. Malheureusement, certains éléments indésirables d’extrême droite se sont glissés dans cette manifestation dans la capitale fédérale. Ce faisant, ils ont nui à la réputation d’honnêtes camionneurs et camionneuses qui exprimaient leur mécontentement face à une décision gouvernementale. De plus, le blocus de postes frontaliers a nui à l’économie et au bien-être des Canadiens et Canadiennes.

Cependant, beaucoup de gens à qui je parle dans le camionnage ont du mal à comprendre que les camionneurs aient pu circuler partout en Amérique du Nord lors des premières vagues de la pandémie – beaucoup plus mortelles que celles que nous connaissons en ce moment – et que, soudainement, on leur interdise de franchir la frontière.

Qu’on me comprenne bien ici : je suis en faveur de la vaccination et c’est le meilleur moyen de nous protéger collectivement. Mais cette obligation d’être vaccinée n’est que l’arbre qui cache la forêt.

Les Teamsters représentent de très nombreux salarié·es qui œuvrent dans la chaîne d’approvisionnement depuis plus de 100 ans. Nous connaissons cette industrie dans ses moindres détails. Nous savons que certaines compagnies de transport, ceux qu’on surnomme « les camionneurs inc. » et autres « chaudrons » comme on dit dans le jargon, ont tiré les conditions de travail vers le bas, ce qui a provoqué une pénurie de plusieurs dizaines de milliers de chauffeurs et chauffeuses au Canada seulement. En plus, les jeunes nous disent qu’ils ne veulent pas travailler dans cette industrie et plusieurs camionneurs d’expérience quittent dès qu’ils le peuvent.

Et je ne vous parle pas de l’impossibilité de concilier travail et famille pour les jeunes pères et mères, les problèmes musculosquelettiques, cardiaques ou d’apnée du sommeil, l’impossibilité de prendre une retraite à un âge décent, le stress causé par la recherche d’un endroit où stationner, manger et dormir le soir venu et le mépris que trop de clients ont à l’égard des camionneurs qu’ils considèrent comme des moins que rien.

La conclusion que j’en tire est qu’il faut dès maintenant que toutes les parties prenantes de l’industrie s’assoient ensemble, abordent les problèmes avec franchise et les règlent une fois pour toutes. Autrement, nous risquons de nous retrouver avec une plus grave pénurie de main-d’œuvre dans un proche avenir. Ce manque de chauffeurs va paralyser la chaîne d’approvisionnement et nuira bien plus au bien-être collectif que toutes les manifestations qu’on a vues jusqu’à présent.

Ces hommes et femmes qui prennent le volant des gros camions que vous croisez sur la route tous les jours ont veillé courageusement au bien-être de nous tous et toutes bien avant les premières vagues de la pandémie. 

Les camionneurs et les camionneuses nous parlent depuis bien plus longtemps que vous ne le pensez. Il est temps de les écouter.

Jean Chartrand
Président de la Section locale 106 des Teamsters