Le 7 novembre 1885, l’étape finale de la construction du Chemin de fer du Canadien Pacifique marquée par l’enfoncement du dernier crampon, a été honorée à Craigellachie  situé entre Revelstoke et Sicamous en Colombie-Britannique.
 

 

Il aura fallu au-dessus de 4 ans, plus de 12,000 hommes, 5000 chevaux et 300 équipes de traîneaux à chiens pour bâtir le chemin de fer.  Sur la photographie de l’évènement, une des images les plus représentatives de l’histoire du Canada, Donald Smith, le chef d’entreprise du CP à barbe blanche donne le dernier coup de marteau de cérémonie.  Parmi les autres représentants  se trouvent notamment, l’arpenteur Albert Bowman Rogers, le futur président du CP William Van Horne, l’inventeur de la norme de temps Sir Sandford Fleming et le légendaire Sam Steele de la Gendarmerie Royale du Nord-Ouest.
On ne peut surestimer la portée importante de la conclusion des travaux sur le CFCP. Pour la première fois les régions les plus éloignées de l’Amérique du Nord Britannique étaient enfin reliées et le rêve de voir un pays joint ‘d’un océan à l’autre’ s’est transformé en réalité.  La construction du CFCP n’a pas seulement joué un rôle primordial  dans la création d’un pays.  Elle a de plus contribué à la naissance de la Société du Canadian Pacific Railway Limitée, la grande entreprise qui domine encore aujourd’hui et qui joue un rôle fondamental non seulement dans l’évolution de la nation mais aussi dans les vies des milliers de travailleurs et de travailleuses qui, au cours des années, ont été employés au CP.
 Le CFCP a été établi comme entreprise à but lucratif. Certes,  cette entreprise figure au premier plan dans la création du pays, mais elle n’a pas atteint ce statut par sa bienfaisance, bien au contraire.  Le CFCP n’est pas seulement une des plus anciennes entreprises canadiennes, elle est également une des entreprises les plus rentables.  Malheureusement, une des manières par lesquelles elle a assuré une rentabilité stable au fil des années, est en prenant une approche élitiste et avare envers ses employés.
Jetez un coup d’œil à la photo ci-haut.  Les noms des dirigeants du CP que l’on y voit, nous les connaissons.  Le nom de l’agent de la Gendarmerie du Nord-Ouest nous est aussi connu.  Mais qui sont tous les autres?  Comment s’appellent-ils?  Tout ce que nous pouvons dire avec certitude c’est qu’ils étaient employés au CP et qu’ils étaient les travailleurs qui, contrairement à Donald Smith, ont effectivement construit le CFCP.  Mais, il reste que nous ne savons absolument rien au sujet de ces travailleurs.  La raison est simple :  Personne au CFCP n’était intéressé à enregistrer des dossiers personnels.  D’après les dirigeants du CP, ces travailleurs n’étaient tout simplement pas assez importants pour faire l’effort de leur accorder ce mérite.
Cette attitude est sans aucun doute la raison pour laquelle entre 1885 et 1990,  le CP a noté parmi ses employés le développement de nombreux Syndicats.  Les employés de bureau, les wagonniers, les agents de la voie, les agents d’entretien des ponts, les aiguilleurs, les ingénieurs de locomotives et les agents de train se sont rassemblés et ont créé des Syndicats qui avec plus ou moins de succès, ont réussi à tenir tête à cette grande entreprise et réclamer qu’elle partage avec les travailleurs et les travailleuses les avantages de ses réussites considérables.
Avec du recul, il est indéniable que même si la fin du XIXe – début du XXe siècle était une époque ou les travailleurs des chemins de fer avaient gagné beaucoup de terrain, il reste tout de même qu’ils n’ont pas su profiter d’une excellente opportunité.  Les travailleurs ferroviaires avaient pris la décision historique de créer des Syndicats mais malheureusement, selon les divisions des corps de métiers individuels.  Les agents d’entretien de la voie avaient leur propre Syndicat, tout comme les wagonniers,  les ingénieurs de locomotives et les chefs de trains.  A l’époque les dirigeants des Syndicats n’avaient pas encore la volonté ni la vision de proposer un regroupement comprenant chacun et chacune d’entre nous, les travailleurs et les travailleuses du chemin de fer avec le cri de ralliement que ‘nous devons tous, conjointement, être membres du même Syndicat!’.
Cette opportunité importante a été manquée et par conséquent, les anciens Syndicats représentant les métiers (la CPEV, les Wagonniers, la FIL, TUT,  …) ont travaillé dur et peiné presqu’entièrement isolés les uns des autres tout au long du vingtième siècle.  Malgré qu’on ne peut nier que nous avons bénéficié de cette situation d’une manière significative au cours des années,  on peut facilement s’imaginer tout ce que nous aurions pu gagner de plus si la compagnie n’avait pas été en mesure de monter les Syndicats les uns contre les autres, d’identifier le Syndicat le plus faible pour conclure une affaire avec celui-ci et finalement imposer aux autres Syndicats ces nouvelles ententes types.
Avec du recul, il est facile de voir les choses différemment et de critiquer le cours des évènements de notre passé.  Il est beaucoup plus difficile de voir au présent et à l’avenir.  A cet égard, il faut noter que nous sommes très fortunés parce que nous vivons à une époque ou les possibilités sont illimitées par rapport au progrès et propices à nous faire bénéficier.  Nous sommes à l’aube d’un nouveau siècle et l’opportunité manquée par nos précurseurs se présente de nouveau aujourd’hui.
Nous sommes tous très conscients que l’économie mondiale s’est transformée au cours des années 1980 et 90.  La globalisation à la suite de l’évolution de la technologie de l’information a engendré des restructurations des entreprises à une échelle sans précédent.  Les entreprises sont devenues des conglomérats, des entités économiques qui transcendent les frontières nationales.   Dépourvues de culture traditionnelle et de sentiments patriotiques la poursuite des profits par les entreprises est devenue une fin en soi, une activité qui ne répond moralement qu’à elle-même et qui cherche à endosser n’importe qu’elle stratégie tant que les profits restent toujours à la hausse.
Même si les entreprises se sont restructurées et qu’elles se sont développées et ont acquis des ressources apparemment illimitées,  elles persévèrent résolument à se permettre de prendre n’importe quel moyen imaginable pour s’assurer que leurs Syndicats ne profitent pas d’un développement semblable.  Pourquoi?  Parce qu’elles sont parfaitement conscientes que la création de grands Syndicats unis  servirait à uniformiser les règles du jeu et c’est bien la dernière chose que souhaite une entreprise obsédée par les profits.   Après tout, les travailleurs et les travailleuses ne sont-ils pas tellement plus faciles à contrôler si leurs Syndicats ont peu de pouvoir, et encore mieux s’ils sont en contradiction les uns avec les autres?
Imaginez-vous une ronde de négociations ferroviaires sur la convention collective, avec une différence remarquable :  Les représentants de la compagnie ne peuvent plus empêcher le dialogue à l’aide des  résultats des négociations conduites au préalable avec les autres Syndicats!  Dans le scénario que nous vous proposons pour la première fois, aucun autre Syndicat n’est impliqué dans les démarches! 
 
Nous proposons UN Syndicat, LE Syndicat qui représente les travailleurs et travailleuses des chemins de fer, le porte-parole de CHAQUE membre syndiqué au CP.  Pouvez-vous vous imaginer la différence que cela pourrait faire?  On pourrait effectivement mettre fin aux négociations types, à l’animosité manigancée entre les groupes syndicaux, on pourrait arrêter de se plier aux exigences des syndicats les plus faibles et la condescendance, le manque de respect et le mépris seraient enrayés. On pourrait enfin voir les règles du jeu uniformisées, des conditions équitables, des réunions d’égal à égal et un vrai partenariat entre deux groupes qui travaillent conjointement pour le bien de la compagnie et pour le bien de chaque employé, sans exception.
Certes, on peut rêver mais ce rêve est maintenant effectivement à la portée de la main. Afin de le concrétiser nous devons en premier lieu exprimer notre volonté,  notre engagement et notre détermination en tant que travailleurs et travailleuses des chemins de fer.  Le CFCP était à l’époque, et est encore aujourd’hui, UNE entreprise entière, indivisée et monolithique.  C’est la raison pour laquelle elle a énormément de pouvoir.  C’est aussi la raison pour laquelle dans la photo Donald Smith, William Van Horne et Sandford Fleming sont ceux qui y sont commémorés au lieu des hommes qui ont réellement bâti le chemin de fer de leurs propres mains.
Il n’y a aucun doute qu’unifiés nous serons en position de force.  Et, ce n’est  pas le seul facteur dont nous devons tenir compte.  Nous, les travailleurs et les travailleuses des chemins de fer du Canada qui partagent la même vision et la même détermination, avons aussi intérêt à nous joindre ensemble pour atteindre nos objectifs communs.  Une association ou une affiliation des Syndicats peut être avantageuse  seulement si elle réussit à surmonter ses faiblesses.   Si nous tenons à réaliser pleinement notre potentiel pour être en mesure d’exploiter entièrement notre pouvoir, nous devons tous, chacun et chacune d’entre nous, sans nous soucier de la classification des emplois et des affiliations aux corps de métiers, nous tenir ensemble unis, confrères et consoeurs, regroupés en un seul Syndicat.  Nous devons nous présenter sans défaillance dans nos rangs, sans divergence, sans désunion et sans désaccord à l’interne et de désengagement permettant  à la compagnie de nous exploiter.  Imaginez un regroupement de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses ferroviaires qui  prend la parole à l’unisson.  L’idée est encourageante et devrait faire souffler un vent froid à travers les salles du Gulf Canada Square.
Il y a déjà 125 ans que la construction du CFCP est complétée.  Cela correspond à 125 ans d’arrogance de la part de la compagnie, 125 ans de manœuvres pour tenter de ‘diviser pour régner’,  125 ans de divisions au sein de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses ferroviaires donnant à la compagnie libre cours de dicter et de contrôler leurs interactions avec nous. Vous ne pensez pas que 125 années sont suffisantes?  La compagnie a eu recours au ‘laisser-faire’ beaucoup trop longtemps et il faut y mettre fin.  Il est aussi important de noter qu’avec le temps les entreprises vont se développer encore plus pour devenir encore plus riches et plus puissantes.  Nous devons nous regrouper, nous tenir fermement unis et rester sur nos positions avec un esprit solidaire inflexible, intransigeant et global parce qu’autrement nous allons inévitablement un jour être entièrement dominés.
Profitons de cette occasion idéale manquée par nos prédécesseurs il y a plus d’un siècle.  Serons-nous les prochains visages sans expression aux regards vides sur les photos du futur?  Le moment est venu pour faire résonner notre cri de ralliement, prendre position et tenir ferme.
C’est le temps d’agir : Une compagnie. Un Syndicat.