En août dernier, nous avons tous été témoins d’une atteinte significative aux droits démocratiques lorsque le gouvernement libéral s’est immiscé dans les négociations de l’industrie du transport ferroviaire de marchandises.

Pendant des mois, nos membres du CFTC, travaillant comme chefs de train, ingénieurs et contrôleurs de la circulation ferroviaire chez CN et CPKC, ont tenté de négocier de bonne foi leurs nouvelles conventions collectives. Ensemble, ces deux compagnies contrôlent pratiquement tout le transport ferroviaire de marchandises au Canada, agissant comme un duopole.

Pour la première fois depuis des décennies, les deux conventions collectives arrivaient à échéance simultanément. Après des mois de négociations de mauvaise foi, les entreprises se sont entendues en coulisses pour délibérément bloquer les négociations des deux conventions en même temps, sapant les dispositions de sécurité et formulant des exigences déraisonnables. Elles ont poussé nos membres vers une grève, préparant ainsi le terrain pour la plus grande crise du secteur ferroviaire de l’histoire moderne du Canada.

Il est vite devenu évident que CN et CPKC exerçaient des pressions sur le gouvernement pour qu’il intervienne rapidement, usurpant notre droit démocratique et constitutionnel de faire grève sous prétexte de « sauvegarder » l’économie. Steve MacKinnon, tout nouveau ministre du Travail, a rapidement demandé au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d’imposer un arbitrage exécutoire à nos membres, mettant ainsi fin à notre capacité de faire grève.

Depuis, nos membres travaillent sous leurs anciennes conventions collectives, techniquement échues depuis près d’un an, en attendant que le CCRI impose de nouvelles conditions de travail. De notre côté, nous contestons ce processus devant les tribunaux, mais il est impossible de savoir si nos causes seront entendues avant que le CCRI n’impose de nouvelles conventions collectives.

Nous savons que cette expérience établit un précédent inquiétant. Elle laisse entendre que les travailleurs d’un secteur de compétence fédérale jugé « important » pour l’économie ne pourront pas exercer leur droit de grève.

Toute négociation repose sur un équilibre des pouvoirs. Dans notre économie, les entreprises privées ont naturellement l’avantage et contrôlent les cordons de la bourse. Comme l’emploi n’est pas garanti et que tout le monde a besoin d’un travail pour subvenir à ses besoins, ces entreprises détiennent un avantage lorsqu’il s’agit de négocier les salaires et les conditions de travail, souvent en priorisant les profits et les intérêts des actionnaires au détriment du bien-être des travailleurs.

Même si elle reste toujours un dernier recours, la grève est le seul levier efficace dont disposent les travailleurs pour exercer une pression réelle sur une entreprise. En cessant le travail et en retirant notre main-d’œuvre et notre expertise, nous pouvons affecter les résultats financiers d’une entreprise et, puisque c’est souvent le seul langage qu’elle comprend, la ramener à la table de négociation.

C’est aussi pourquoi les lois anti-briseurs de grève sont si importantes, afin de ne pas saper les négociations et l’efficacité d’une grève.

En usurpant la capacité de faire grève chez CN et CPKC, un droit reconnu par notre Charte, le gouvernement a retiré aux travailleurs le seul outil qu’ils avaient pour forcer ces deux géants multimilliardaires et leurs gestionnaires millionnaires à négocier de bonne foi.

La menace va au-delà de notre syndicat : de plus en plus de travailleurs risquent de subir le même sort. Le Canada ne peut pas tolérer un système où un organisme gouvernemental impose un contrat exécutoire à des travailleurs organisés démocratiquement en syndicats. Les implications sont bien trop graves pour être ignorées.

C’est pourquoi les Teamsters contestent actuellement cette décision dangereuse devant les tribunaux, et pourquoi nos politiciens doivent se rappeler que le bien-être des travailleurs et de leurs familles doit primer sur les intérêts d’un petit groupe d’investisseurs multimillionnaires. C’est ça qui est véritablement bénéfique pour l’économie.

François Laporte
Président de Teamsters Canada
Vice-président de la Fraternité internationale des Teamsters